Philippe Lavialle
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  LE CORPS ILLUMINÉ
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(Lettre personnelle adressée aux modèles)

 

Par Lara MUSE

 

 

 

 


Le regard intime posé sur le corps dévoilée, sur la nudité du modèle étant un moyen d’exprimer des choses sérieuses, il faut avant tout accéder à la profondeur de l’œuvre présenter pour pouvoir y adhérer, ou mieux, pour parvenir à y participer comme à une aventure qui vous serait proposée !… Sinon, comment traduire ces architectures de corps cadrées, expression fulgurantes d’un regard. Comment interpréter et comprendre ces mouvances délicates souvent nées de visions paysagères ou sculpturales ?...

 

Philippe Lavialle est avant tout un artiste. Mais peu de gens savent combien il est difficile de l’être et de le rester durant une vie entière !... Cela demande souvent beaucoup de courage, de patience, d’endurance et d’abnégation. Pour Philippe, l’essence de l’art relève avant tout d’une qualité de l’esprit et du cœur qu’il faut cultiver pour dépasser ces difficultés, et dont l’empreinte s’enracine dans la recherche incessante d’un monde respectivement de sagesse et d’amour

 

Il y a aussi dans sa démarche, la volonté permanente de faire jaillir l’expression poétique du corps à travers ce qui l’anime intérieurement et qui s’exprime généralement à travers la grâce d’une gestuelle particulière !... La poésie est également intrinsèque au fond, qu’il élabore depuis toujours dans sa création et aux formes, qu’il opère et façonne en utilisant les possibilités offertes par le médium photographique. Les « Séquences mouvement » (planches contact) sont un parfait exemple de cette utilisation extrême du médium. Pratique spécifique - quasi parfaite - qui correspond à une recherche formelle étroitement liée à l’utilisation directe du matériau du film, à ses possibilités formatrices, expressives, mais aussi poétiques.

 

A travers cette approche, le corps, qui pourrait n’être qu’érotisme exacerbé, est transcendé par la lumière surgissant de l’œuvre de Philippe !... Car à l’opposé de nombre d’approches concernant le corps féminin, cette création là relève exclusivement de la Lumière et de la Vie !... En effet, pourquoi faudrait-il perpétuellement que ce « corps sexué » soit marqué du sceau de l’obscurantisme, de la primarité, de la vulgarité ou de l’obscénité ? ! ... Pour Philippe, regarder et montrer le corps est seulement un prétexte fabuleux (parmi d’autres) pour nous éclairer sur notre vie, sur notre essence, sans toutefois parvenir à nous la dévoiler entièrement. Car, trop mystérieuse est cette Vie enfouie dans les profondeurs du corps même, tout comme elle l’est également, selon lui, dans les profondeurs infranchissables de l’Univers entier. Là réside le charme poétique : un voile infime recouvre la vérité afin de la soustraire entièrement à notre entendement. Saurons-nous un jour ce qu’est cette VIE qui anime nos gestes ? !...

 

Ici nait pour Philippe le sens du « Sacré » ! Car dit-il, « est Sacré tout ce qui dépasse à jamais notre entendement ». Cette émergence est pour lui la question spirituelle essentielle de « l’infini mystère » auquel nous sommes confrontés (Spirituel qui n’est d’ailleurs pas l’apanage du seul religieux), mais que seul maintenant, un regard poétique semble pouvoir effleurer. Et c’est ce qu’il tente de réaliser patiemment depuis plus de trente ans à travers son art. Oui, c’est ce qu’il entreprend encore et encore en graduant, modulant, filtrant délicatement cette lumière photogénique qui vient attoucher avec une extrême délicatesse l’essence voilée de ce monde - qu’il nomme « Supra-réel» -. Essence opaque à nos yeux et à nos sens, mais qu’il entend bien tout de même parvenir à nous faire entrevoir et partager. Et c’est en cela que nous sommes confronté au monde indicible, et particulièrement plongés ici dans cette vision sublimée du corps…

 

A partir de cette découverte majeure, mais non fortuite, l’auteur constate que toute sa création a porté depuis ses débuts sur ce même axe. En effet, autant ses travaux concernant les projets sur le mouvement, la maternité, le corps, la nature, que ceux concernant l’eau, les fractales, la lumière, ou encore le temps ; tout, absolument tout ce qu’il a fait d’essentiel abordent profondément les mystères de la VIE !... Mais aujourd’hui, dans son œuvre, la conscience a pris le pas sur la pratique ancienne, plus spontanée et plus intuitive…

 

 

C’est enfin - chose peu ordinaire, pour ne pas dire extraordinaire - comme le fruit d’une méditation qui est offerte à notre perception visuelle… Car, ce travail délicat sur l’intime, nous le rend évidemment à la fois précieux et fragile… C’est bien son monde intérieur, sa propre intimité (et infinité) que l’homme nous dévoile là, à travers une œuvre si peu conventionnelle de par son sens caché, sa diversité et la façon de l’aborder ! Car, cette façon d’aborder le corps est aussi liée à son besoin perpétuel d’accorder la féminité à la Mère Nature, ou au contraire, de l’opposer à la structure artificielle et dévastatrice de la ville. Approche visionnaire de la femme rédemptrice ?... Peut-être, car comme un charme, le corps transcende alors avec légèreté ces architectures pesantes et torturées faites de mains d’hommes… Ainsi, trouve-t-il spontanément sa place en exprimant simplement son propre désir de vivre. Et par cette intention vitale traduite à travers ses courbes et son énergie propre, éclaire-t-il naturellement les lieux dans lesquels il s‘inscrit et s’accorde.

 

« L’expression du corps, à travers le mouvement et l’harmonie des gestes, dénonce exclusivement l’extraordinaire de la Vie », me disait un jour Philippe. Et ajoutait-il : « L’art est en cela une intention. Il me permet de transcender tous nos archaïsmes de société ancienne. Oui, l’ombre est transformée en Lumière... Et, à travers cette nature exubérante et ces corps mouvants ou cette sexualité si mystérieuse, il m’est maintenant  tout à fait impossible de trouver autre chose à voir que l’émerveillement. Principalement face à la richesse et à l’infinie beauté de la Vie… C’est cette beauté là, cette conscience de la réalité vivante, extraordinaire, qui illumine sans cesse pour moi ces corps si émouvants. Corps semblables à la géométrie sacrée des temples. Corps que je photographie comme paysages ou sculptures animés et formidablement vivants (…) ». Enfin dévoilés à cette nouvelle conscience, c’est maintenant libérés à travers une « action-création » très spécifique, qu’exultent les corps qu’il « expose »… En tout cela réside la profondeur de l’œuvre directe et hors norme de Philippe Lavialle. Œuvre qui est à vivre comme une initiation, comme un voyage, un partage et comme un don offert à tous sans distinction. Voilà, à vous de voir !...

 

 

                                                                                                            02/10/08.